Patch en nanofibres et psoriasis

Un patch en nanofibres comme nouveau traitement du psoriasis ?

Maladie inflammatoire chronique de la peau, le psoriasis continue de faire l’objet de nombreuses recherches pour améliorer la prise en charge des patients. Récemment, des scientifiques ont mis au point un patch innovant à base de nanofibres, qui pourrait prochainement enrichir l'arsenal thérapeutique contre le psoriasis. Apprenez-en plus ici sur cette avancée prometteuse et en quoi elle se démarque des traitements actuels.

Patch en nanofibres : une avancée dans le traitement du psoriasis ?

Le psoriasis est une maladie chronique à expression principalement cutanée et articulaire qui touche environ 2% de la population mondiale. Il se manifeste par des plaques rouges recouvertes de squames blanches, dont l'intensité varie selon les individus. Bien que de nombreux traitements contre le psoriasis soient disponibles sur le marché, leur efficacité est souvent compromise par un manque d'adhérence des patients, notamment en raison de la contrainte d'applications répétées de crèmes, souvent jugées peu pratiques. En réponse à cette problématique, une équipe de chercheurs de l'Université de Copenhague a développé un patch en nanofibres qui pourrait améliorer la prise en charge et le quotidien des personnes touchées par le psoriasis.

Ce patch utilise une technologie d’électrofilage, ou "electrospinning" en anglais, qui permet de créer un tapis de nanofibres capable de délivrer des principes actifs directement dans la peau de manière contrôlée. Contrairement aux patchs déjà existants qui se limitent à protéger les plaques de psoriasis et à éviter de les gratter, ce dispositif se distingue par sa conception multicouche et l’intégration de deux actifs : l’acide salicylique et l’hydrocortisone.

Ce patch est organisé en trois couches fonctionnelles. La première, en contact direct avec la peau, est imprégnée d’acide salicylique, un actif kératolytique agissant rapidement pour éliminer les cellules mortes. La deuxième couche contient l’hydrocortisone, stratégiquement placée pour permettre une libération prolongée, visant à apaiser les rougeurs et l’inflammation. Enfin, une couche externe protectrice, composée de polycaprolactone, un polymère biocompatible, maintient l’ensemble en place tout en protégeant les autres couches des agressions extérieures, telles que les frottements ou l’humidité.

Structure schématique des différentes couches de nanofibres du patch.
Structure schématique des différentes couches de nanofibres du patch.
Adaptée de : HEINZ A. & al. Electrospun dressings with a dual release functionality of two anti-inflammatory active ingredients. RSC Pharmaceutics (2024).

Outre sa structure novatrice en nanofibres, ce patch est principalement intéressant en raison du caractère séquentiel de la libération de ses actifs, attesté lors d'un test mené in vitro.

  • Les fibres contenant l'acide salicylique ont montré une libération rapide, avec plus de 70% de l'acide salicylique relâché dans la première heure. Cet effet, appelé libération en rafale ou "burst release" en anglais, est dû à la localisation de l'acide salicylique dans la couche externe des fibres, ce qui facilite son contact immédiat avec le milieu extérieur. Cette propriété est particulièrement adaptée pour son rôle kératolytique, visant à éliminer rapidement les cellules mortes à la surface de la peau.

  • En revanche, l'hydrocortisone a montré une libération progressive et prolongée. Dans la première heure, environ 40% de l'hydrocortisone a été libérée, suivie d'une diffusion continue atteignant 80% après trois jours et 90% au bout d'une semaine. Cette libération retardée s'explique par la disposition de l'hydrocortisone dans une couche interne des fibres, protégée par les couches extérieures. Ces couches agissent comme une barrière de diffusion et permettent une libération progressive de l'hydrocortisone.

La libération séquentielle des actifs permet une prise en charge plus efficace et simplifiée pour le patient, avec une seule application quotidienne du patch.

Par ailleurs, afin de vérifier que les actifs du patch étaient correctement absorbés par la peau, les chercheurs ont effectué des tests de perméation cutanée sur des échantillons de peau porcine dorsale et ont comparé les résultats à ceux obtenus avec des crèmes "classiques" à 3% d'acide salicylique et à 1% d'hydrocortisone. Il a été montré que le patch en fibres permettait une pénétration plus importante de l’hydrocortisone dans l’épiderme et le derme, évaluée à 4,5% pour chaque couche, contre moins de 1,5% pour la crème standard. En ce qui concerne l'acide salicylique, la perméation de cet actif était similaire entre le patch et la pommade. Ce résultat n'est toutefois pas surprenant, l'acide salicylique libéré étant censé rester principalement à la surface de la peau et exercer un rôle kératolytique.

Néanmoins, cette augmentation de la perméation de l’hydrocortisone dans les différentes couches de la peau soulève une question importante : le risque d’effets secondaires systémiques est-il plus élevé par rapport aux crèmes ? Bien que l’hydrocortisone soit un actif courant de l'arsenal thérapeutique contre le psoriasis, une absorption accrue pourrait augmenter la fréquence et l'intensité des effets indésirables, notamment en cas d’utilisation prolongée ou répétée. Il serait ainsi bon que des études complémentaires soient menées afin d'évaluer ces éventuels risques.

Enfin, l'effet anti-inflammatoire de ce patch a été testé in vitro. Pour cela, les nanofibres du patch ont été co-cultivées avec des kératinocytes humains pendant 24 et 48 heures. Les niveaux d'IL-6, une cytokine pro-inflammatoire impliquée dans la pathogenèse du psoriasis, ont été mesurés avant et après, et une diminution significative de cette molécule a été enregistrée au fil du temps. Ces résultats nous permettent de supposer que ce patch pourrait significativement atténuer les inflammations cutanées.

Ce patch en nanofibres pourrait ainsi avoir un réel intérêt dans le traitement du psoriasis.

De plus, au-delà du psoriasis, ce dispositif présente un potentiel d’application pour d’autres dermatoses, telles que l’eczéma. La possibilité de moduler les ingrédients actifs et leur libération ouvre également des perspectives intéressantes dans le domaine de la cicatrisation des plaies, en reproduisant des environnements propices à la régénération cutanée. Néanmoins, bien que les résultats soient prometteurs, plusieurs étapes restent nécessaires avant une mise à disposition pour les patients et des essais cliniques doivent encore être réalisés pour valider l’efficacité et la sécurité du patch sur des groupes de patients atteints de psoriasis.

Des limites à l'utilisation de ce patch en nanofibres ?

Toutefois, si ce patch venait effectivement à voir le jour, on peut s'interroger sur sa praticité, particulièrement pour les patients présentant de multiples plaques de psoriasis sur le corps. En plus de l'aspect potentiellement inesthétique que cela pourrait prendre, cette solution pourrait être coûteuse pour ces personnes car elle nécessiterait l'utilisation de multiples patchs. Un autre questionnement se pose concernant la taille des patchs et leur adaptabilité à des plaques de psoriasis plus ou moins grandes et irrégulières. Selon l'atteinte des patients, leur utilisation pratique pourrait être limitée, particulièrement si plusieurs patchs sont nécessaires pour couvrir une seule lésion. Par ailleurs, leur compatibilité avec certaines zones fréquemment sujettes au psoriasis, comme le cuir chevelu où les plaques sont souvent épaisses et difficiles d’accès, reste une question ouverte.

Enfin, la durée nécessaire pour libérer toute l'hydrocortisone, étant de plusieurs jours, n'est pas idéale. Si l'on considère que chaque patch devra probablement être changé après chaque douche, baignade ou séance de sport, on comprend qu'une partie de l'hydrocortisone des patchs sera perdue et ne pénétrera pas dans la peau. Une libération complète de l'hydrocortisone dans les huit heures suivant l'application serait optimale et permettrait aux patients d'appliquer le patch le soir, avant de dormir, et de le retirer le lendemain matin.

Ce nouveau traitement soulève plusieurs questions qui nécessiteraient d'être explorées lors des prochains travaux d'optimisation prévus par les chercheurs.

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