Le stress peut-il être une cause de l'apparition de lèvres gercées ?

Les lèvres gercées sont un phénomène fréquent, souvent attribué au froid, au vent, à la sécheresse ambiante, à la prise de certains médicaments ou encore au léchage des lèvres, autant d'éléments susceptibles d'affaiblir la barrière cutanée des lèvres et de favoriser leur dessèchement et leur desquamation. À cela pourrait s'ajouter un facteur plus insidieux : le stress. Bien que les preuves scientifiques établissant un lien direct entre les gerçures aux lèvres et le stress soient encore faibles, plusieurs mécanismes indirects et observations nous permettent d’émettre des hypothèses sur leur relation.

Stress et léchage des lèvres : un comportement à risque.

On peut tout d'abord s'interroger sur le lien existant entre le stress et le fait de se lécher fréquemment les lèvres, un comportement nerveux souvent inconscient et fréquemment retrouvé chez les personnes sujettes à l'anxiété. Or, la salive, en s’évaporant, accélère la perte en eau de l’épiderme. Par ailleurs, elle contient des enzymes digestives, comme l’amylase et la lipase, dont le rôle est de décomposer les aliments. Appliquées sur une peau fragile, comme celle des lèvres, ces enzymes peuvent altérer la structure de la barrière cutanée, favorisant ainsi l’apparition de fissures et de lésions. Un cas clinique publié récemment illustre bien cette relation. Un patient souffrant de chéilite liée au léchage des lèvres présentait également des symptômes d’anxiété marquée. Une thérapie cognitivo-comportementale, combinée à des soins locaux, a permis une amélioration notable de son état. Cela suggère un lien potentiel indirect entre le stress et les lèvres gercées, bien que davantage de preuves scientifiques soient encore nécessaires pour l'affirmer.

Déshydratation et stress : un lien physiologique.

Un autre mécanisme par lequel le stress peut favoriser les lèvres gercées est la déshydratation. Une étude menée à Madrid sur des étudiants en période d’examens a mis en évidence un lien entre un stress important et une perte d'hydratation corporelle. Les scientifiques ont observé que les participants les plus stressés présentaient un bilan hydrique faible, évalué par leur consommation d’eau et les pertes mesurées via les urines. Plusieurs mécanismes peuvent expliquer cette déshydratation, notamment l'augmentation des taux de cortisol dans le sang. Cette hormone, dite du stress, peut influencer la rétention hydrique et perturber l’équilibre électrolytique.

Or, une importante déshydratation peut affecter les lèvres, qui sont très sensibles à la perte d’eau en raison de leur structure particulière. Contrairement à d’autres zones de la peau, elles ne possèdent pratiquement pas de glandes sébacées, préposées à la synthèse de sébum, ce qui les rend dépendantes de l’eau contenue dans les tissus sous-jacents. En cas de déshydratation, cette eau se fait rare, laissant les lèvres sensibles au dessèchement.

Remarque : Si une déshydratation sévère ou chronique peut provoquer l'apparition de lèvres gercées, boire plus d'eau que de raison pour prévenir cette condition n'est pas forcément utile. En effet, l'eau supplémentaire apportée à l'organisme ira en priorité aux organes vitaux, tels que le cerveau, le cœur et les reins.

Chéilite exfoliative et stress : un rapport complexe.

Dans des cas plus rares, le stress peut être associé à des formes sévères de chéilite, comme la chéilite exfoliative. En effet, certaines études rapportent que cette condition caractérisée par une desquamation importante des lèvres, est souvent associée à des troubles psychologiques. Un cas clinique au Mexique a notamment mentionné une patiente souffrant de chéilite exfoliative sans cause médicale apparente. Une anamnèse approfondie a révélé un stress psychologique important, et une psychothérapie a permis une amélioration de l'état des lèvres. Bien que le mécanisme exact reste méconnu, plusieurs hypothèses ont été avancées. Le stress pourrait altérer la fonction barrière de la peau en modifiant l’expression des protéines cutanées essentielles, comme les filaggrines. De plus, les comportements associés, comme le léchage ou le grattage, pourraient aggraver la desquamation, transformant une irritation légère en un problème chronique.

Stress et herpès labial : un facteur de réactivation.

Enfin, le stress est un facteur bien établi de réactivation du virus de l’herpès simplex, responsable de certains cas de chéilite angulaire et de l’herpès labial. Lors d’un stress intense, l’élévation des glucocorticoïdes dans le sang active les récepteurs spécifiques de ces hormones. Cette activation stimule directement la transcription virale, entraînant une multiplication du virus dormant dans les ganglions nerveux. Cette réactivation se traduit par des lésions autour des lèvres, souvent confondues avec des gerçures.

Même si davantage de preuves scientifiques sont encore nécessaires, les différents éléments cités ci-dessus laissent penser que le stress pourrait parfois jouer un rôle indirect dans la survenue des lèvres gercées.