Effets pollution peau.

Quels sont les effets de la pollution sur la peau ?

En tant que bouclier biologique de première ligne, la peau est constamment exposée aux composés nocifs présents dans l'environnement. Outre l'âge et la génétique, il existe de nombreux facteurs capables de dégrader la qualité de la peau. En effet, l'exposition aux polluants atmosphériques peuvent rapidement mettre à mal le rôle protecteur normal de la peau et induire une série de modifications morphologiques par le biais de divers mécanismes. Passons en revue dans cet article des conséquences de la pollution urbaine sur l'état de la peau.

Pollution atmosphérique : de quoi parle t-on ?

Le terme "pollution de l'air" est un concept assez large. Il est défini, par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), comme "une contamination de la qualité de l'air intérieur ou extérieur (maisons, bureaux, etc.) par toute substance chimique, physique ou biologique en suspension (aérocontaminants) pouvant modifier les caractéristiques naturelles de l'atmosphère". Ces polluants, qui regroupent l'ensemble des gaz et des particules solides, sont de sources variés et peuvent ainsi être :

  • d'origine naturelle, par exemple les éruptions volcaniques, les poussières du désert, les feux de forêt, les décompositions biologiques, le pollen, les érosions des sols, les marécages, etc ;

  • de sources anthropogéniques, c'est-à-dire résultant de l'activité humaine, soit les centrales thermiques, les émissions de véhicule, les appareils de combustion domestiques (chauffage au bois), les activités agricoles, les industries des produits chimiques et pharmaceutiques, la combustion de combustibles fossiles, l'incinération des ordures ménagères et des déchets industriels, etc.

On distingue les agents polluants dits "primaires", c'est-à-dire issus de sources de pollution. Il s'agit par exemple des oxydes d'azotes, du dioxyde de soufre, des composés organiques volatiles, des hydrocarbures et de certains métaux lourds. Ils peuvent aussi être "secondaires", soit créés par l'atmosphère via des réactions physio-chimiques complexes entre certains polluants sous l'effet de conditions météorologiques particulières, impliquant notamment l'ozone, les oxydes d'azote, les particules fines, etc. Bien que la pollution atmosphérique sévit surtout en milieu urbanisé et dans les zones d'activité, les milieux ruraux ne sont pas pour autant épargnés.

PolluantsOrigines
Ammoniac (NH3)Activités agricoles (volatilisation lors des épandages et du stockage des effluents d’élevage, épandage d’engrais minéraux)
Composés organiques volatils (COV) (benzène, acétone, perchloroéthylène...)Combustion du bois, gaz d’échappement automobiles, utilisation de solvants à usage domestique (peintures, colles, etc.)...
Dioxyde de soufre (SO2)Centrales thermiques, chauffage résidentiel, grosses installations industrielles, opérations de raffinage du pétrole, combustion d'énergies fossiles (fioul, charbon, gazole, etc.), éruptions volcaniques...
Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)Combustion incomplète, utilisation de solvants (peintures, colles, enduits) et de dégraissants, produits de nettoyage, remplissage de réservoirs automobiles, de citernes, production de plastiques, pesticides, colorants, fumée de cigarette, combustion de matières organiques...
Métaux lourds (plomb, mercure, arsenic, cadmium, nickel)Incinération des ordures ménagères, activités métallurgiques (extraction minière, aciérie, transformation manufacturière…), combustion de produit fossile (charbon, pétrole), transports routiers, aviation, fumée de tir...
Monoxyde de carbone (CO)Activités industrielles, combustion des carburants, métallurgie...
Oxydes d'azote (monoxyde d'azote (NO) et dioxyde d'azote (NO2))Moteur thermique des véhicules, centrales thermiques, chauffage résidentiel, usines d’incinération, agriculture (utilisation d'engrais azotés), procédés industriels (verrerie, etc.), volcans, éclairs, cuisinières à gaz…
Ozone (O3)Produit dans l'atmosphère sous l'effet du rayonnement solaire, de la chaleur, d’une haute tension électrique ou de décharges électrostatiques par des réactions complexes entre certains polluants primaires (NOx, CO, COV)
Particules ou poussières en suspension (PM2,5 : particules de diamètre inférieur à 2,5 micromètres ; PM10 : particules de diamètre inférieur à 10 micromètres)Combustions industrielles ou domestiques, moteur diesel, chauffage résidentiel, incinérateurs, brumes de sable, éruptions volcaniques, incendies de forêt...

Les manifestations cliniques des agents polluants sur la peau.

Or, l'exposition chronique à des quantités croissantes de toutes ces formes de polluants compromet l'intégrité de la peau. Ils exercent leurs effets néfastes en induisant un stress oxydatif dans les tissus cutanés, avec une surproduction de radicaux libres et d'espèces réactives de l'oxygène, la peroxydation des acides gras polyinsaturés, et un épuisement de la capacité antioxydante enzymatique (glutathion peroxydase, sur peroxyde disputasse, catalase, etc.) et non-enzymatique (vitamine C, vitamine E), qui endommagent la fonction barrière de l'épiderme. Les principaux polluants atmosphériques qui affectent la peau sont les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les composés organiques volatils, les oxydes d'azote, les particules fines aéroportées, l'ozone et les métaux lourds.

Quel que soit la voie d'entrée, soit directement par l'absorption des polluants atmosphériques à travers la peau (voie transdermique) ou via les follicules pileux, soit indirectement par l'absorption des particules par les poumons qui sont ensuite transportées par le sang jusqu'à la peau, cette perturbation conduit au développement de diverses problématiques de peau, dès lors que le potentiel de défense normal de la peau est dépassé. En effet, les cellules n'arrivent plus à se débarrasser des radicaux libres, ralentissant ainsi les mécanismes de réparation de la peau. Résultat : toute une série de réactions inflammatoires est déclenchée et des désordres cutanés peuvent apparaître, n'épargnant aucun type de peau.

  • Un vieillissement accéléré.

    Plusieurs études ont démontré que l'exposition aux polluants atmosphériques contribuent à accélérer l'apparition des signes de vieillissement de la peau en pénétrant dans les couches profondes de la peau, notamment la formation de rides plus prononcées et d'une élastose. L'un des principaux mécanismes par lesquels les particules ambiantes exercent leurs effets néfastes est le déséquilibre entre le système de défense et une production excessive de radicaux libres. Ils sont ainsi responsables d'un ralentissement du renouvellement cellulaire, d'une peroxydation des lipides, d'un endommagement de la couche cornée et d'une dégradation des fibres de collagène et d'élastine, qui sont des éléments vitaux de la matrice extracellulaire, suite à une régulation à la hausse des métalloprotéinases matricielles (MMP).

  • Un ternissement du teint.

    Il a été démontré que le monoxyde de carbone se lie à l'hémoglobine, modifiant sa conformation et réduisant sa capacité à transporter l'oxygène. Or, cette baisse d'oxygénation de la peau peut entraîner une perte d'éclat. De plus, l'exposition répétée à ces agressions sont à l'origine d'évènements oxydatifs qui peuvent perturber le fonctionnement normal des kératinocytes. La peau se régénère alors moins vite et se déshydrate plus facilement.

  • Une perte d'homogénéité du grain de peau.

    La pollution environnementale peut aussi entraîner des éruptions acnéiformes, caractérisées par des comédons et des kystes, en agissant à différents niveaux. Une étude a rapporté que l'ozone, avec les rayons UVA longs et la fumée de cigarette riche en hydrocarbures aromatiques polycycliques, sont de puissants agents oxydants du squalène, un lipide insaturé présent dans le sébum (10 - 15%) produit par les cellules des glandes sébacées (sébocytes) qui est très sensible aux processus oxydatifs liés à la présence de six doubles liaisons carbone non-conjuguées. Or, une telle modification biochimique induit la formation de sous-produits de squalène oxydés, principalement des formes peroxydées, qui conduisent alors un regain de comédons voire une acné inflammatoire.

    De plus, lorsqu'il est oxydé, la composition élémentaire du squalène oxydé révèle une teneur en oxygène d'environ 25%. Or, cette valeur élevée est susceptible de réguler la tension en oxygène au sein du canal folliculaire, un facteur critique dans la survie et le développement de la flore cutanée anaérobie résidente. De même, une autre étude a démontré que la pollution de l'air ambiant peut induire l'abondance de Malassezia spp., des champignons commensaux sur la peau, ce qui pourrait conduire à une dysbiose de l'écosystème cutané et entraîner certains troubles cutanés.

  • Une peau fragilisée et irritée.

    Plusieurs études suggèrent que la pollution de l'air induit une réponse inflammatoire dans l'épiderme, ce qui peut altérer la différenciation épidermique et, par conséquent, affecter la barrière immunologique de la peau. En effet, les espèces réactives de l'oxygène générées promeuvent la maturation des médiateurs pro-inflammatoires (IL-18 et IL-1β) dans les kératinocytes, ce qui entraîne l'accumulation de neutrophiles et d'autres cellules phagocytaires qui génèrent à leur tour des radicaux libres, entraînant ainsi un cercle vicieux. Ils sont aussi capables d'augmenter l'expression de NF-kB, un facteur de transcription qui régule l'expression de cytokines pro-inflammatoires dans les cellules épidermiques. Les polluants s'attaquent également aux lipides des membranes des cellules cutanées rendant la peau plus réactive et sensibles, ce qui augmente le risque de développer des rougeurs et des sensibilités.

  • Une perte d'hydratation de la peau.

    La pollution peut induire un dysfonctionnement de la barrière protectrice de la peau. Par exemple, les particules fines en suspension dans l'air ont un impact négatif sur l'expression des lipides épidermiques hydrophobes, notamment le sulfate de cholestérol, les phospholipides, la sphingomyéline et les glucosylcéramides, qui sont des composants clés de la fonction de barrière. Elles affectent aussi l'expression de la claudine-1, une protéine importante qui participe à l'intégrité des jonctions serrées et sont également capables de détruire les protéines de kératine qui protègent la peau de la déshydratation. D'un autre côté, l'exposition à l'ozone entraîne la formation d'aldéhydes et de produits d'ozonation des lipides, à la suite de l'oxydation des acides gras insaturés dans les couches supérieures de l'épithélium (couche cornée), endommageant la fonction barrière de l'épiderme. Des études ont même montré qu'elle peut provoquer un appauvrissement en tocophérol (vitamine E) et vitamine C, et ainsi que l'augmentation de malondialdéhyde, un sous-produit de peroxydation lipidique, ce qui entraîne une altération de la fonction de barrière.

  • Une perte d'uniformité du teint.

    Plusieurs études cohortes ethniquement différentes (caucasiens et asiatiques) ont révélé que l'exposition de la peau aux polluants atmosphériques (particules de carbone noir, hydrocarbures aromatiques polycycliques et métaux lourds) est significativement corrélée à la formation de davantage de lentigos sur le visage et le dos des mains. L'activation des récepteurs des hydrocarbures aryliques (AhR) dans les mélanocytes pourrait fournir une explication mécaniste à ces observations épidémiologiques.

    En effet, les particules fines chargées en produits chimiques organiques, tels que les HA, qui sont très lipophiles et qui pénètrent facilement dans la peau, induiraient la prolifération des mélanocytes associée à une augmentation de la transcription des gènes impliqués dans la synthèse de novo de la mélanine, et donc d'une pigmentation de la peau. Cette synthèse de mélanine servirait à protéger la peau contre le stress oxydatif induit par la pollution atmosphérique et représente donc une stratégie de défense de la peau, en sachant que l'eumélanine a des propriétés antioxydantes.

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